Le
tango est une danse sociale et un genre rioplatense (c'est-à-dire du
Río de la Plata) né à la fin du XIXe siècle.
Comme
forme rythmique, il désigne le plus souvent une mesure à deux ou
quatre temps plutôt marqués, mais avec un vaste éventail de tempos
et de styles rythmiques très différents selon les époques et les
orchestres.
Comme
genre musical il englobe trois formes musicales sur lesquelles se
dansent traditionnellement les pas du tango : tangos, milongas
et valses. Le bandonéon, intégré au sein des orchestres de tango,
composés majoritairement d'instruments à cordes, est
traditionnellement l'instrument phare du tango.
Le
tango est une danse de bal qui se danse à deux. C'est une danse
d'improvisation, au sens où les pas ne sont pas prévus à l'avance
pour être répétés séquentiellement, mais où les deux
partenaires marchent ensemble vers une direction impromptue à chaque
instant. Un partenaire (traditionnellement l'homme) guide l'autre,
qui suit en laissant aller naturellement son poids dans la marche,
sans chercher à deviner les pas.
Le
terme tango, à l'étymologie incertaine, est originaire de la
communauté noire d'Amérique latine issue de l'esclavage, et a connu
divers sens au sein de cette communauté au cours des siècles.
Les origines noires du tango
La
communauté noire issue de l'esclavage représente un poids important
dans la société portègne du Río de la Plata, tout au long du
XIXe siècle. La fin du régime de Juan Manuel de Rosas en 1852
marque le début du lent déclin de cette population noire dans le
Rio de la Plata, jusqu'à sa quasi-disparition de l'Argentine au
début du XXe siècle. Les musiques et les danses de cette
communauté noire constitueront l'un des piliers fondamentaux de la
genèse du tango.
Premièrement,
le terme lui-même, tango, qui circule depuis longtemps dans toute
l'Amérique atlantique, du golfe du Mexique au Río de la Plata, est
peut-être d'origine noire (le terme tambo pour désigner un lieu ou
un lieu de réunion existe antérieurement dans la langue quechua).
Le terme connaîtra différents sens, qui tous, sont marqués du
sceau de l'esclavage, des Noirs et de l'Afrique :
- En langue kongo, il signifierait « lieu fermé », lieu dans lequel il faut être initié pour entrer et où se pratiquent des rituels et les tambours. Par antonomase, le terme aurait ensuite désigné les tambours eux-mêmes, puis la musique produite par ces tambours.
- Le négrier appelait tango l'endroit où il parquait les esclaves avant l'embarquement. Plus tard, en Amérique, on appela tango le lieu où on les vendait. Divers sens apparaissent ensuite, comme: le lieu clos où l'on entreposait les tambours, puis enfin: Bailes de tangos : les danses et les jeux de tambours des noirs.
Avant
la fin du XIXe siècle, le tango ne renvoie pas encore à une
forme musicale ou dansée définie, mais à des musiques et des
danses très diverses, plus au moins ritualisées, pratiquées par
les populations d'origine noire.
Genèse du tango dansé
Au
tournant du siècle, dans le Río de la Plata, les danses de salon
venues d'Europe : mazurka, scottish, valse… subissent
l'influence des Noirs. Danses de Blancs, danses de Noirs, habaneras,
s'influencent et s'imitent mutuellement. Parmi elles, Il y a la
milonga, qui appartient à cette catégorie de termes au contenu
incertain (le terme est aussi d'origine africaine), et qui est aussi
à l'origine du tango et dont l'origine se confond avec celui-ci.
Ce
sont les compadritos de la ville qui la dansent. Ils l'ont inventée
pour se moquer des danses que pratiquent les Noirs dans leurs bals.
Elle a la même mesure que la habanera. Les Noirs (anciens esclaves)
empruntent de leurs anciens maîtres les danses de couples que la
tradition africaine ignore. Les danses de salons européennes comme
la mazurka, la polka se déforment à leur contact car les Noirs les
investissent d'éléments culturels qui sont étrangers à ces
danses.
C'est
dans les bas-fonds et les bordels que cette alchimie se produit. À
l'aube du XXe siècle, Tango et milonga sont des danses liées
aux bordels. Il y a durant cette époque d'immigration massive, un
fort déséquilibre dans la répartition homme/femme. La concurrence
est donc rude et, du fait de la rareté des femmes, et surtout parce
qu'il serait inconvenant pour une jeune femme de quitter seule la
maison pour le faire, on s'entraîne souvent à danser entre hommes.
Le tout sur fond de nostalgie du pays éloigné, de pauvreté, du
désir inassouvi.
Les
accents de cette danse naissante inciteront, à leur tour, les
musiciens à modifier les contours de la musique qui accompagne la
danse. Dans ces petits orchestres, la guitare et la flûte
prédominent, bien avant que ne s'impose progressivement le
bandonéon.
Le
tango émerge de cette alchimie entre, d'un côté, les Noirs qui
métissent leurs danses avec les danses européennes de salon, et de
l'autre, les Blancs qui se moquent des Noirs en singeant leurs
figures. Le tango dansé présente ainsi à cette époque un aspect
provocant et insolent qu'il perdra au fur et à mesure de son
ascension sociale. On nomme souvent ce style originel du tango dansé,
« tango canyengue ». Ce style caractéristique, révélant
les origines noires du tango, est encore revendiqué par certains
danseurs aujourd'hui. Il est relativement peu pratiqué en bal, mais
régulièrement lors de démonstrations.
Pour
la musique, on pourrait ainsi résumer le résultat de ce métissage
qu'est le tango : « une rythmique afro, des musiciens
italiens jouant sur des instruments allemands des mélodies d'Europe
de l'Est avec des paroles qui viennent des zarzuelas espagnoles. »
Des bas-fonds à la bourgeoisie rioplatense en passant… par l'Europe
Amusant
Georges Clemenceau, cette nouvelle danse lui inspire la phrase
suivante : « On ne voit que des figures qui s'ennuient et
des derrières qui s'amusent ».
Au
début du XXe siècle, de nombreux jeunes hommes de bonne
famille aimant à s'encanailler et à séduire facilement, vont
découvrir le tango. Il leur est cependant impossible de le danser
avec les jeunes filles de leur milieu, car immoral aux yeux de leur
classe. C'est donc à Paris, lors de leurs voyages initiatiques de
jeunes bourgeois, qu'ils initieront la société parisienne,
cosmopolite et à l'affût de toutes les nouveautés pour s'égayer,
à cette danse des bouges et des tripots. Très vite, le tango va
être adopté par la capitale française. Choyé, il acquerra ainsi
ses lettres de « bourgeoisie ». C'est grâce à cette
aura européenne que le tango se diffusera dans la bonne société
argentine et uruguayenne, en retournant ainsi sur ses terres natales.
Après
la crise de 1929, le tango originel se démode assez fortement en
Europe, et est transformé pour s'intégrer aux danses de salon, aux
danses musettes et en tant que danse standard aux danses de
compétition. Le tango retourne alors principalement sur le Rio de la
Plata.
Du
début du siècle aux années 1930, la danse évolue et des pas plus
complexes apparaissent, pendant que le tempo du tango se ralentit
fortement. Des années 1910 où le rythme du tango, rapide, est
encore confondu avec celui de la milonga, aux années 1930 ou le
tempo devient - globalement - le plus lent de toute son histoire. Le
tango dansé se pratique sur : des tangos, des milongas, et des
valses. Cette période de l'histoire du tango se nomme la Vieille
Garde.
Avec
Carlos Gardel, le tango devient chanté et de ce fait, il évolue en
manifestation artistique à part entière à écouter plus qu'à
danser.
L'âge d'or
Le
tempo et le rythme des tangos joués (mais aussi des milongas et des
valses) se réaccélère un peu et se diversifie considérablement.
On recense à la fin des années 1940, près de 600 orchestres de
tango tournant à plein régime à travers l'Argentine, avec une
concentration d'activité sur le grand Buenos Aires.
Le lent déclin du tango
Parmi les différentes causes du déclin invoquées, les principales
sont : l'influence de nouvelles musiques sur la jeunesse
argentine (notamment le rock 'n' roll, les Beatles…) et les trois
décennies de violences et d'instabilités politiques. Le tango en
Argentine et dans le monde se démode progressivement. Il va sauter
une génération…
La renaissance du tango
En
1983, à la fin de la dictature en Argentine, le spectacle « Tango
Argentino » est présenté dans le cadre du Festival d'automne
à Paris, au théâtre du Châtelet. Une tournée européenne
s'ensuit.
Avec
ce spectacle, de nombreux Européens, notamment des danseurs
contemporains, se rendent compte que le tango est autre chose qu'une
simple danse musette. Renouant avec le Rio de la Plata, en voyageant
à Buenos Aires ou en invitant des danseurs argentins, ils commencent
à apprendre cette danse d'improvisation et à l'enseigner. Cela va
stimuler progressivement le tango à Buenos Aires et le faire
renaître de ses cendres. Si, au début des années 1990 rares sont
les jeunes dans les milongas de Buenos Aires à le pratiquer, dix ans
plus tard c'est l'explosion. Cette série de spectacles « Tango
Argentino » a joué le rôle de défibrillateur du tango.
Fondés
sur le partage d'une danse improvisée, autorisant l'échange des
partenaires, les premiers bals tango apparaissent en France. Vers la
fin des années 1990, le tango (alors dit argentin par opposition au
tango musette ou de salon), bien qu'il se développe progressivement
en Europe, y est encore une danse underground. Avec les séjours
permanents ou successifs de Maestros argentins le tango se
démocratise partout dans le monde, les milongas et lieux de
tango se multiplient. A Paris, entre 1998 et 2001, la fréquence des
milongas a quadruplé, passant de quatre soirs par semaine en
moyenne, à deux ou trois lieux différents pour danser chaque soir.
Le
métier de professeur de tango argentin, qui était peu répandu à
Buenos Aires avant cette résurgence, se développe alors. Pour bon
nombre d'Argentins, le tango devient une opportunité de réaliser le
voyage en Europe, et de vivre de l'enseignement de la danse.
Opposition entre « tango rioplatense » et « tango de salon européen »
Attention,
en préalable, ne pas confondre "tango estilo de salon" qui
est un style particulier du "tango rioplatense", et "tango
de salon européen", sujet de ce paragraphe.
Après
la folie du tango en occident dans les années 1920, le tango
originel s'est démodé fortement, cependant il a évolué pour
devenir une danse importante parmi les danses de salon européennes.
Dans
les années 1990, lors de la renaissance, en Europe et dans le monde,
du tango originel du Rio de la Plata, celui-ci fut qualifié par
l'adjonction du qualificatif « argentin » afin d'éviter
la confusion et le distinguer du tango de salon, qui, en Europe, est
le plus connu et le plus pratiqué depuis les années 1930.
En
effet, le tango façon danse de salon est un enseignement constitué
de figures types (corté, habanera : pas de marche
avant-arrière, pas pivoté, promenade, carré, carré déboîté,
renversés) qui se succèdent aux pas à une rythmique prédéfinie
(lent, vite, vite, lent), où les bustes restent relativement fixes,
plutôt pratiquée lors de bals dits rétro, parmi les autres danses
de salon.
Le
tango du Rio de la Plata, quant à lui, est une danse qui permet
l'improvisation, où aucun pas et aucune séquence ne se répète
fondamentalement (les pas de danses se multiplient plus qu'ils ne
s'additionnent), que chaque danseur réinvente, dont les géométries
fondamentales de déplacement sont la marche linéaire et le tour, et
où les bustes sont
mobiles.
Même
si les danseurs « tango de salon » peuvent tronquer et
modifier à souhait leurs figures, et qu'ils peuvent donc le danser
de manière plus ou moins improvisée, l'enseignement des deux danses
reste fondamentalement différent.
À
partir des années 2000, avec le développement et le succès mondial
du tango « argentin », le qualificatif argentin fut de
moins en moins employé dans ce milieu, la confusion étant devenue
moins probable avec le tango
de salon,
mais aussi par respect pour les Uruguayens :
en effet, ils ne dansent pas moins le tango que les Argentins,
et cette musique fait tout autant partie de leur culture que de celle
de leurs voisins argentins. Beaucoup
de musiciens importants du tango sont uruguayens
Aujourd'hui,
dans le monde, quand on parle du « tango », sans
qualificatif, il s'agit le plus souvent du tango rioplatense (de Rio
de la Plata).
Pour parler du tango associé aux danses
de salon,
on dit généralement « tango
de salon ».
(…à ne pas confondre avec le style
tango salon,
un style des années 1940 du Rio de la Plata). Néanmoins, le
« tango » dans l'imaginaire collectif européen reste
encore trop souvent associé, en totale opposition avec ses origines,
à une danse rétro de salon, voire de cabaret. C'est-à-dire à une
danse très tonique et parfois sèche que les amateurs de tango
rioplatense trouvent guindé ou raide, et qu'ils n'aiment pas car
elle donne aux gens une fausse image de leur danse, en totale
opposition avec ce qu'elle est : le tango rioplatense a toujours
été, dans les bals, une danse très fluide, souple, à terre et
improvisée.
Technique
Le
tango est d'abord une marche. On marche principalement sur les temps
forts de la mesure (les temps 1 et 3 de la mesure à 4 temps du
tango, le temps 1 de la mesure à 3 temps de la valse). Lorsqu'on
danse un contretemps, la marche s'accélère brièvement (on danse
alors sur les temps forts et faibles).
Il
n'existe pas de pas ou séquence conventionnelle qu'il faudrait
reproduire, ou apprendre par cœur. Le « pas de base »,
dit « salida », est enseigné aux débutants car il a des
vertus pédagogiques, mais il est rarement pratiqué en bal : un
danseur qui guide sa partenaire n'a pas de raison d'effectuer cette
séquence particulière, et il apprend à se déplacer sur la piste
sans penser aux pas. Les pas ne forment pas des séquences. Chaque
danseur danse selon son propre ressenti.
Paradoxalement,
bien qu'ils soit des danses d'improvisation, le tango et la milonga,
au fil de leur histoire, sont devenus des danses très structurées.
Il n'y a pas de figures mais plutôt des éléments techniques qui
portent des noms et une technique qu'il faut apprendre afin de
pouvoir danser, au gré de l'interprétation, de façon fluide.
L'essentiel
du tango dansé reste cependant dans l'abrazo, c'est-à-dire la façon
de se tenir en couple et d'évoluer à la fois en harmonie, avec
énergie, personnalité et fantaisie. À travers l'abrazo qui
transmet l'énergie d'un partenaire à l'autre, c'est l'homme qui
propose au travers de marques définies et sa partenaire qui dispose.
Le
guidage est donc le travail de l'homme, il ne guide ni avec les bras,
ni avec les mains, mais avec le buste et avec le poids du corps. Ce
guidage qui semble imperceptible vu de l'extérieur, est en fait
parfaitement clair pour la partenaire qui suit. De fait, plus le
guidage vient de l'intérieur du corps, plus il est naturel, clair et
fonctionnel. En
fait il vient du ventre et des hanches dont les mouvements conduisent
à l'orientation du buste.
La
danseuse suit pour garder l'axe du couple, tout en gardant
l'équilibre sur son propre axe, sans chercher à deviner les pas à
l'avance. Chacun s'applique à garder le buste face à celui du
partenaire. C'est un jeu géométrique complexe souvent hostile à
l'analyse, permis par les possibilités de positionnement relatif des
deux corps en fonction de certains principes de mouvements de marche.
En aucun cas il ne s'agit de porter le poids de l'autre, ou de faire
porter son poids à l'autre : c'est un langage de communication
corporelle.
L'univers de la milonga
La
milonga ne désigne pas seulement un rythme particulier, mais aussi
le lieu ou l'on danse le tango, et la soirée dansante proprement
dite. On peut aussi employer le terme bal. (En France, dans le milieu
du tango, Le terme bal est plutôt utilisé pour définir une soirée
ponctuelle en un lieu donné. Le terme milonga faisant plutôt
référence à une soirée qui a lieu régulièrement au même
endroit, en général chaque semaine.)
Le « cabeceo »
Le
« cabeceo » désigne la manière traditionnelle, délicate
et discrète, d'inviter une partenaire à danser, en réponse à son
interrogation ou appel par le regard, la Mirada. On guette
discrètement le regard de celle avec qui l'on souhaite danser. Si
cette personne détourne le regard, on sait qu'elle ne veut pas
danser. Si la danseuse soutient le regard, alors l'homme fait un
léger signe de tête, pour signifier l'invitation. Souvent c'est la
danseuse qui, avec la Mirada, est à l'origine de l'échange de
regard. À Buenos Aires, le « cabeceo » est très
répandu, même dans les milongas fréquentées par les jeunes. S'il
est rare, à Buenos Aires, que les danseuses se déplacent pour venir
inviter un danseur, une danseuse souhaitant danser avec un danseur
guettera son regard et celui-ci comprendra clairement qu'elle
souhaite danser avec lui, et n'aura alors plus qu'à faire un signe
de tête d'invitation. Certains y voient une sophistication ou un
code mais c'est surtout un moyen simple et pratique de choisir ses
partenaires de danse en limitant la gêne ou les frustrations.
L'espace du bal
Comme
le tango est une marche les danseurs doivent avancer, ils tournent
donc, ensemble, dans le sens du bal (le sens inverse des aiguilles
d'une montre). Cela est essentiel car plus le bal tourne de manière
fluide et homogène, moins les couples de danseurs se gêneront les
uns les autres. À l'inverse, si le bal tourne mal ou trop lentement,
du fait du nombre de danseurs trop important, de la musique, ou bien
du fait de danseurs qui ont du mal à se fondre dans ce mouvement
général du bal, les couples seront gênés au risque même,
parfois, de se bousculer.
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